lundi 13 avril 2015

La légende de Marie Anson...

Tonton, Tonton ! Raconte-nous une histoire !
Ah mes chenapans, toujours prêts à me harceler pour entendre vos histoires favorites ! Laquelle voudrez-vous entendre cette fois-ci ? L'histoire de Pierre et le Loup ? L'histoire du Petit Chaperon Rouge ?
Tonton, non ! Raconte-nous une vraie histoire, pas un conte pour enfants !
Ah, une vraie histoire, dites-vous... Et si je vous racontais la légende de la Dame Blanche ? Une histoire terrible et peut-être bien authentique... Une histoire que les gens d'Alençon se repassent de père en fils et de mère en fille depuis le Moyen-Âge et qui glaça les sangs de générations d'écoliers...
Mais êtes-vous prêts à entendre une histoire aussi terrible, cela je n'en suis pas sûr...
Allez Tonton ! Raconte-nous la ! On est grands maintenant. On est en CE2 et CM2, on a l'âge d'écouter des histoires qui font peur ! Alleeeeez ! S'il te plaît...
Très bien, très bien... Mais que je ne vous entende pas dire que vous avez peur du noir cette nuit. Bien. Vous l'aurez voulu, jeunes garnements.


C'était il y a très longtemps, en un temps où les exploits de la chevalerie étaient contés dans tous les bons châteaux, dans le château des Ducs d'Alençon.
À cette époque vivait le chevalier Renaud et sa femme Marie Anson. Tous deux coulaient des jours heureux dans la Tour Couronnée, ainsi nommée parce que son crénelage formait une couronne autour de son sommet.
Mais c'était un temps de troubles, de guerres et d'exploits héroïques. Le chevalier Renaud fut appelé à servir à la guerre, comme il était de coutume en ce temps. Certains preux chevaliers du pays, confrontés  à l'horreur de la bataille, revenaient couverts de gloire... D'autres ne revenaient pas.
Marie Anson était à présent seule dans la Tour Couronnée et comme l'époque le voulait, les prétendants commencèrent à se montrer, profitant traîtreusement de l'absence du chevalier Renaud, qu'ils n'auraient point osé demander en duel.
Et il fut un prétendant qui arriva par malice et par rouerie à faire des avances claires et nettes, sans ambiguïté , bref à déclarer sa flamme pour la jeune et belle Marie.
Marie était certes flattée, mais point sotte. Elle qui vivait dans la lumière de la foi chrétienne, ne voulut pas risquer son âme éternelle en trompant son mari, parti à la guerre certes, mais point encore mort ! Elle avait une grande confiance en ses prouesses de chevalier, et savait qu'il reviendrait un jour.
Elle éconduisit donc son prétendant, avec douceur mais avec une réelle fermeté puisée dans les tréfonds de sa foi de femme fidèle.
Mais cela devait ne pas finir si positivement.
En effet par une malice toute diabolique, cet amant éconduit, au sortir de la demeure de la belle Marie, subtilisa les anneaux d'or que son mari Renaud lui avait offerts et entreprit de payer la création d'une copie de ces anneaux. La malheureuse Marie ne se rendit jamais compte que ses anneaux avaient été volés car le lendemain même, les anneaux avaient repris leur place de toujours...
L'amant éconduit, furieux, s'en alla vers la guerre porter les copies des anneaux de Marie Anson à son mari, escomptant bien évidemment faire éclater au grand jour la tromperie de Marie envers son époux, ce qui n'était en fait qu'une manigance ourdie par l'amant.
Cependant, Marie attendait un enfant, enfant bien évidemment conçu par son mari des mois auparavant. Elle enfanta finalement d'un petit garçon ayant hérité des yeux de sa mère. Ceci arrangea hélas les affaires de l'amant, qui, se servant de ses copies d'anneaux d'or et de la récente mise au monde d'un enfant de Marie, répandit ses sordides menteries devant le chevalier Renaud.
Renaud entra alors dans une colère noire comme les ailes du Démon, et il chevaucha sur le champ son grand destrier en direction d'Alençon. Se croyant trahi par la femme qu'il aimait, fou de rage, de tristesse et de désespoir, il tua son propre enfant sous les yeux de sa mère. -Oui, mes enfants, il le tua, emporté par la rage et la colère que le poison versé dans ses oreilles par l'amant éconduit de Marie avait instillé dans son sang.- Puis, il attacha sa femme par les cheveux à la queue d'un cheval fou, et lança la bête au galop à travers toute la ville.
La chanson populaire dit "qu'il n'y eut ni arbre ni buisson qui n'eut de sang de Marie Anson".

Marie, aux portes de la mort, demanda à se confesser. Renaud, saisissant alors l'occasion d'apprendre toute la vérité, décida de se grimer en prêtre et vint recueillir les dernières paroles de sa femme mourante.
La pauvre Marie jura sur le Christ lui-même être innocente de la tromperie que son mari lui reprochait. Elle jura pardonner son cher et tendre de l'avoir tuée, mais jura également qu'elle ne pourrait jamais pardonner le meurtre de leur enfant, tué avant d'avoir été baptisé et voué aux limbes par sa faute.
Renaud, le chevalier, comprit alors que sa femme avait dit vrai. La parole d'une mourante est toujours véridique au plus haut point, dit-on. Fou de douleur, ayant tué sa femme sur de fausses accusations et ayant tué leur enfant avant son baptême, fou de chagrin, ayant perdu la femme qu'il aimait ainsi que le pardon de son acte, Renaud s'enferma pendant une journée entière dans la Tour Couronnée.
Le lendemain, ses serviteurs le retrouvèrent pendu dans la chambre conjugale.

Ainsi se termina dans un bain de sang, l'histoire de Renaud et Marie Anson, de leur fils et de leur amour. Cette terrible histoire ne s'arrête toutefois pas là, en ce qui nous concerne. Car... Certaines nuits, on peut encore apercevoir la Dame Blanche, le fantôme de Marie Anson, hurler de douleur sur les hauteurs de la Tour Couronnée et laver les linges ensanglantés de son enfant.

Voici, mes chers enfants, la légende de Marie Anson.

Et à présent, laissons les morts reposer en paix.

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